Du sang, des fractures et des nez qui coulent… La jolie infirmière en avait vue de toutes les couleurs durant son quart de travail de nuit. Malgré qu’elle ne soit plus une petite nouvelle à l’hôpital, ses horaires n’étaient pas encore réguliers et elle devrait attendre que le département d’embauche se décide à engager des nouvelles recrues pour qu’elle puisse avoir des horaires fixes et cesser de travailler de nuit. Celle qui venait de s’achever avait été éprouvante mais pas trop non plus ce qui arrangeait bien Mickaëlla. Il y avait eu ce vieillard qui était tombé dans l’escalier et s’était fracturé la hanche, puis cette petite fille qui avait attrapé un vilain rhume. Le cas le plus facile avait été le bébé qui avait la varicelle et le plus difficile avait été l’adolescent avec une jambe brisée. Il avait fait le malin avec son skate-board et avait fini par tomber. Lorsqu’il était arrivé à l’urgence, il avait fallu 5 infirmiers pour s’occuper de son cas. En fait, la peau recouvrant son tibias s’était fendue et son os était visible à l’œil nu, comme s’il essayait de s’échapper de sa jambe. Dégoutant, mais au moins Mika avait su garder son calme. Le sort de désensibilisation qu’elle se lançait toujours avant de travailler aidait beaucoup évidemment. De cette façon, son côté humain et sensible était éteint et elle pouvait encaisser plus de chose que la plupart des gens.

Après 9 heures de dur labeur, elle sortait enfin du service des urgences. Ce n’était pas où elle travaillait normalement, mais la brunette avait accepté de dépanner et de remplacer une compagne de travail à la dernière minute. Les urgences c’était très différent du reste de l’hôpital, mais Mika avait des nerfs en acier et ne se laissait pas impressionner par la pression, le stress et les cas extravagants dont elle avait dû s’occuper. Il était maintenant 6 heures du matin et c’est avec soulagement qu’elle rentra à son appartement pour se doucher et enlever cette odeur caractéristique d’hôpital qui collait à sa peau et à ses vêtements. Même pour elle qui respirait cette odeur constamment, elle ne s’était pas toujours pas habituée et ne le pourrait probablement jamais. Elle ne savait pas où était son colocataire, peut-être dans sa chambre, mais elle n’était pas son mère et n’avait donc pas à s’inquiéter de ses allées et venues. À part faire de son mieux pour ne pas faire trop de bruit en rentrant du travail, Mickaëlla ne voyait pas trop ce qu’elle pouvait faire d’autre pour lui. Ils n’avaient pas encore sympathisés à proprement parlé mais cela ne saurait tarder. Il leur fallait seulement passer un peu plus de temps de qualité ensemble.

La douche sembla faire son effet réparateur, puisque c’est une Mika fraîche et tout sourire qui en sortie. Ses cheveux étaient humides et elle n’avait pas envie de les sécher au séchoir, alors elle préféra les laisser sécher à l’air libre. Ils se mettraient surement à onduler mais cela donnerait probablement un très joli résultat. D’ailleurs, ils auraient plus de chances de sécher si elle allait dehors. De toute façon, il n’y avait rien de bon à manger dans le réfrigérateur, elle irait donc se chercher à déjeuner dans un restaurant à emporter. Son préféré était situé à deux pas de chez elle et c’est avec empressement quelle s’y rendit. Elle acheta deux muffins et un capuccino et se dirigea directement vers le parc le plus proche afin de déguster son déjeuner. Elle trouva sans problème un banc libre et s’y installa en croquant dans son muffin aux pépites de chocolat. Quel délice!

Lorsqu’elle eut terminé son festin, Mickaëlla commença à s’intéresser au monde extérieur. Elle jeta des coups d’œil dans tout le par cet observa les gens qui l’entouraient. Il y avait des vieillards, des enfants, des chiens… Un peu de tout à vrai dire. Mais il y avait quelqu’un qui sortait du lot sans qu’elle sache pourquoi. C’était une jeune femme blonde. Le soleil tombait sur ses cheveux dorés et créait une auréole autour de son visage; elle avait presque l’air d’un ange. Sa chemise blanche reflétait les rayons solaires et cela ne faisait qu’amplifier cet effet magique. On aurait dit un sort de rayonnement! Peut-être était-elle sorcière elle aussi? Il n’y avait qu’un moyen de le savoir. Mika se concentra et agita doucement sa main ouverte en direction de l’arbre qui surplombait la demoiselle. Avec peu d’effort, la brunette se connecta à la nature et au vent pour faire bouger les branches de l’arbre et que le vent souffle dans les feuilles de façon surnaturelle. Des feuilles vertes s’envolèrent du feuillage et tombèrent en cascade tourbillonnante directement sur la tête de la blondinette. Si elle avait ne serait-ce qu’un peu d’informations sur le monde surnaturel, elle saurait reconnaître ce phénomène étrange et en localiser la source, sinon et bien cela voudrait dire qu’elle n’avait rien d’une sorcière.

S’amusant avec le vent Mika était tout de même très étonnée de son habileté à contrôler l’air ambiant. Normalement, ces éléments fétiches étaient le feu et l’eau, alors que la terre et l’air lui donnaient plus de fil à retordre. Mais avec un peu de concentration et de bonne volonté, la sorcière arrivait quand même à un résultat intéressant. Il est évident que faire danser des feuilles dans le vent n’était pas le tour du siècle mais c’était mieux que rien pour de la pratique. Saphyra serait fière de ses efforts pour apprivoiser l’air. Mickaëlla s’amusa encore un peu avec l’arbre avant de jeter un coup d’œil vers la demoiselle blonde afin d’observer sa réaction. Au début, elle ne sembla pas se rendre compte que quelque chose clochait. Elle regarda autour d’elle, puis leva la tête vers la cime de l’arbre pour regarder les feuilles virevolter dans sa direction. C’est seulement un petit moment plus tard qu’elle tenta de déceler la source du phénomène étrange et ses yeux se posèrent inévitablement sur la brunette.

Mickaëlla se retint de sourire devant son visage angélique tourné vers elle avec une interrogation silencieuse. Mais tout de suite, la blonde détourna son attention et regarda devant elle comme si de rien était. Quel drôle d’attitude! Mika était pourtant certaine qu’elle l’avait identifiée comme étant la source du vent isolé. Pourquoi ne la regardait-elle pas plus longtemps? Peut-être était-elle humain après tout, et tentait-elle d’oublier ce qu’elle avait vu, comme la plupart des humains essayant de faire comme si le surnaturel n’existait pas. Ils se mettaient tous la tête dans le sable, comme une autruche fuyant le danger. Pour eux, la vie normale n’avait pas de prix et c’était compréhensible, mais pas pour Mika. Pour elle, la vie normale incluait automatiquement de la magie, car sans cela elle ne saurait vivre. Que serait-elle sans ses pouvoirs? Impuissante et typique, sans aucune importance particulière. Quel ennui! Décidément, il était bon être une sorcière!

Sur ces pensées, Mickaëlla se demanda quelle était la suite de son plan. Parce que franchement… elle avait suivi son instinct et n’avait pas vraiment réfléchit à ce qu’elle comptait faire après avoir joué avec le vent. Qu’espérait-elle de cette situation? Possiblement se trouver une amie de son âge pour partager des discussions sur la magie. Mais la blondinette avait l’air quand même très jeune alors à quoi bon? De toute façon, elle était allée trop loin pour rebrousser chemin et elle ne se voyait pas trop se lever et s’enfuir comme ça… sans raison. La demoiselle se demanderait surement quelle genre de folle elle était pour jouer avec les arbres et ensuite partir comme si de rien n’était. Décidant de faire le contraire, Mika se dit qu’elle allait parler à cette fille même si ce n’était peut-être pas le meilleur plan au monde.

La brune se concentra pour arrêter son contrôle sur le vent et reprit son souffle. Mine de rien, ce petit tour de passe-passe lui avait pris plus d’énergie qu’elle ne l’aurait d’abord crût. Elle reprit ses esprits durant un moment puis décida de bouger. Elle se leva de sur son banc et marcha directement vers celui où était assise la fille. S’arrêtant devant elle, Mickaëlla attendit qu’elle relève la tête pour la regarder et l’observa encore un peu. Son visage était encore plus angélique vu de près…

- Salut! Je suis Mickaëlla, et toi?

Ce n’était pas la réplique la plus frappante du monde, mais au moins ça avait le mérite d’être clair et direct.

Le vent se mit à souffler naturellement, comme si l’incantation de Mika l’avait inspiré à se réveiller. Amusée, la brunette sourit en se disant que la nature était bien plus complexe qu’il n’y paraît. Sauf le feu, évidemment, puisqu’elle le métrisait très bien. Mais le feu n’avait pas sa place ici puisqu’elle n’avait pas l’intention de faire du mal à la demoiselle assise face devant elle. Justement, la dite blondinette releva la tête vers le visage de Mickaëlla et sembla confuse quant à comment et surtout pourquoi elle s’était retrouvée là. Question très légitime aux yeux de la sorcière. Elle-même aurait eu du mal à y répondre correctement. Maintenant qu’elle lui avait adressé la parole, ses motivations premières s’évadaient et ne restait qu’un sentiment de confusion.

- Salut Mickaëlla…

Il n’était pourtant plus question de reculer: on lui avait répondu. La jeune fille semblait incrédule quant à l’attitude qu’elle devait adoptée avec Mika. Son visage reflétait diverses émotions qui se succédaient assez vite, mais elle sembla opter pour l’indifférence polie. Elle continua en ajoutant :

- Si tu veux t’assoir, tu peux. Le banc est libre et j’allais justement partir.

Elle ne lui avait pas donné son nom en retour. Importunée ou juste prudente? Là était la question. Mickaëlla n’avait cependant pas l’intention de la laisser partir aussi vite. Elle n’avait toujours pas eu la réponse à la question qu’elle s’était posée avant d’agir sur le vent. Cette blonde était-elle une sorcière aussi? Son envie de fuir pouvait autant être associée au comportement d’un humain apeuré, mais aussi à celui d’une sorcière prudente ne révélant pas son identité facilement. Qu’était-elle donc?

- Non non! Reste. Je ne suis pas venue pour te demander de me laisser ton banc… j’en avais un là-bas.

À partir de là, Mika ne savait plus trop comment gérer la situation, mais le destin s’en chargea pour elle. Le parc s’était rempli petit à petit de plusieurs personnes, entre-autre des gens en patin à roulettes ou encore courant avec leur chien. Il y avait aussi des enfants qui jouaient au soccer et des adolescents jouant au frisbee. Ce dernier objet fut particulièrement important ce jour-là. En effet, le frisbee rouge avec lequel des jeunes jouaient non loin de là, dévia de sa trajectoire et vint arrêter sa course volante directement contre le front de la petite blondinette. Tout de suite, Mickaëlla se mit en mode « infirmière », plus par réflexe que de son propre chef, et s’inquiéta pour l’inconnue ne portant pas encore de nom.

- Ça va? dit-elle sur son ton d’infirmière professionnelle.